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Chemins de Poussières
19 juillet 2006

Rétro-perspective

Et je me rappelle quand j'étais cet enfant courant dans la campagne du midi de la France. Je me regarde dans ce passé en pointillés, voilé par endroits ; je me revois solitaire. Mon père était alors militaire, souvent muté. Ni mon frère ni aucune de mes deux soeurs ne sont nés au même endroit et ma propre naissance doit tout au hasard, ou presque.  Ce temps me semble si lointain, si proche à la fois ; si étrange. Nous vivions à la campagne, dans un espèce de hameau éloigné de tout car mon père travaillait pour ces messieurs de l'armée, ce qu'il faisait nécessitait plus ou moins le secret. J'étais solitaire, c'est là que j'ai appris la solitude. J'ai appris à l'aimer tout comme j'aimais voir la lumière du soleil à travers les feuillages des arbres lorsque je regardai les lapins jouer dans les prés. Ils se mettaient parfois, au son d'un bruit suspect,  sur leur pattes arrières en remuant leurs grandes oreilles ; puis se replongeait la tête dans l'herbe verte et fraîche. Et moi je replongeai dans mes rêves. SoirC'est aussi ici que j'ai eu l'amour de Paris, celui du peuple Noir en général et de l'Afrique en particulier. Parce que Paris était quelque part une réaction à cette solitude, parce que je voulais faire du cinéma et que je ne me voyai pas en faire ailleurs que là bas, parce que confusément dans mes pensées enfantines je savais que tout était possible dans la capitale, que mon épanouissement passerait forcément par ce chemin. Et l'Afrique est arrivée, je l'ai déjà raconté ici, par les Antilles sous la forme d'une petite fille dans la cour de l'école du village voisin -qui se trouvait à cinq ou six kilomètres- elle avait des rubans dans les cheveux, des petits élastiques de couleur lui tenait les tresses. Je l'ai longtemps regardée avant d'oser l'approcher : toujours cette sacrée timidité, celle qui s'est atténuée mais n'a pas totalement disparue. C'est dans cette cour d'école quand j'étais en Cm1 que mon coeur a battu pour la première fois pour l'immense Continent. De cette période datent d'autres points de départ de tant d'autres choses ; certaines confirmées et certaines mises de côté comme dans un coffre à jouets mais qui sont encore en moi quelque part au milieu du sang de mes veines et la vie qui charrie son torrent d'imprévus, de chagrins, de joies, de moments inoubliables dans tous les sens du terme. D'autres encore réalisées, je me vois encore entrer pour la première fois sur un plateau de tournage, de ces nuits et de ces jours de saltimbanque, de toutes ces émotions ; petits bouts de rêves se réalisant devant mes yeux... que j'ai mis du temps à y croire, mon Dieu ! A Paris j'ai aimé, j'ai pleuré, j'ai souffert, j'ai fait l'amour, j'ai rencontré l'Afrique et les Antilles, côtoyé des gens plus que formidables ; certaines de mes nuits m'ont propulsé dans les faubourgs que d'aucun appellerait l'enfer et certains jours furent baignés de sang, d'un horizon noir, de lendemains qui n'existaient plus.

Et ce n'est pas fini.

(Photo personnelle : un soir, comptoir de bistro, Paris, quartier Ménilmontant)

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Commentaires
D
très sympa et intéressant ton blog !
M
Tu étais trop avide, trop curieux malgré la solitude de ton enfance que tu décris ici pour ne pas être aujourd'hui à Paris, comme une évidence, passionné et toujours curieux. Non, ce n'est pas fini.
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